William Lemaire,
Master en Histoire et Archéologie des mondes anciens,
Double champion PACA de Pancrace

L’orthépale

     La première des disciplines de combat antique est la lutte. Quand on pense au sport grec, on pense tout d’abord à la lutte. Bien qu’elle ne soit pas, loin s’en faut, le seul sport pratiqué dans l’antiquité. L’orthépale (ἠ ὀρθή πάλη : la lutte debout),  est la discipline qui représente par excellence les sports de préhensions antiques.

L’origine de l’un des plus vieux arts martiaux

     La lutte représente l’une des plus anciennes formes de combat codifiées avec des sources remontant jusqu’à l’Egypte antique (Tombe de Beni Hassan, XIXe siècle avant notre ère). La plus ancienne trace dans le monde grec remonte à l’Iliade lorsqu’Ajax et Ulysse s’affrontent pour les funérailles de Patrocle [1] Homère, Iliade, XXIII.. Son introduction au sein des compétitions panhelléniques (c’est à dire concernant toutes les cités grecques) remonterait à la 18è Olympiade, soit en 708 avant notre ère [2] Michael H. Crawford, Michael Hewson Crawford, David Whitehead: Archaic and Classical Greece: A Selection of Ancient Sources in Translation, p.47., ce qui en fait le plus ancien sport de combat dans sa définition moderne, c’est à dire une activité physique opposant deux combattants, pratiquée dans un but compétitif et vécue comme un spectacle pour le public.

Les formes de lutte dans la Grèce antique.

     La lutte (grec πάλη- palè) est par définition un sport de préhension, c’est à dire un sport où il est permis d’attrapper son adversaire mais pas (sauf quelques exceptions  durant les périodes médiévale et moderne) de le frapper. Pour les Grecs comme pour nous elle se divise en deux catégories :

  • lutte debout (grec ὀρθή πάλη- orthè palè) dont le but est de faire tomber l’adversaire ou de le mettre dans une certaine position [3] Brice Lopez, Les jeux Olympiques antiques, p. 32..
  • lutte au sol (grec κύλισις-kúlisis) dont le but est de forcer l’adversaire à l’abandon par la pratique d’étranglements ou de clés articulaires, et qui continue même si un combattant ou les deux tombent [4] Norman Gardiner, The Journal of Hellenic Studies, vol. 25 (1905), p.19..

     Il sera dans cet article uniquement question de la lutte debout, du fait du manque de source sur la lutte au sol  et de l’absence de cette dernière dans les compétitions panhelléniques (nous reviendrons tout de même sur cette forme de combat dans l’article dédié au pancrace). 

Les règles de l’orthépale

     Du fait de la représentation de l’orthépale dans les quatre grands concours panhelléniques (jeux olympiques, pythiques, isthmiques et néméens) ainsi que dans plusieurs compétitions locales (grandes panathénées d’Athènes), elle demeure l’un des sports de combats les plus documentés de l’histoire grecque. 

     Selon les sources antiques, il existe deux moyens de remporter un combat d’orthépale, le plus répandu consiste à marquer trois points (dans certains cas le score peut monter à 5 points). Un point est marqué lorsqu’un des deux adversaire touche le sol avec n’importe quelle partie de son corps, à part ses pieds (les genous, les fesses, les mains et bien entendu le 

dos, qui résulte en la plus fracassante et incontestable des chutes). Afin de s’assurer qu’un point est bien marqué, il semble que les arbitre ne l’accorde que si un seul des adversaires tombre dans l’action (celui qui reste debout est alors récompensé d’un point). Dans le cas où les deux adversaires tombent, peu importe lequel touche le sol en premier, le point est annulé et les deux athlètes sont remis debout, en position de départ [5] Pour les débats concernant les règles de l’Orthépale, voir Michael B. Poliakoff, Combat sports in the ancient world, P. 13-30..

     L’autre manière de remporter le combat, plus rare mais plus directe, est la soumisson. Dans les sports de combat une soumission est une technique forçant l’adversaire à l’abandon par un étranglement où une clé articulaire. Il est peu aisé de pratiquer de telles tactiques dans un combat d’orthépale puisqu’il suffit que l’athlète pris dans la technique pose un appui au sol pour céder un point à l’adversaire, qui ne gagne alors qu’un point au lieu du combat, et être replacé en position de départ.

Bibliographie

  • Michael B. Poliakoff, “Combat sports in the ancient world, Competition, violence and culture”, Yale university press, 1987.
  • Michael H. Crawford, Michael Hewson Crawford, David Whitehead “Archaic and Classical Greece: A Selection of Ancient Sources in Translation”, Cambridge university Press, 1983
  • Brice Lopez, “Les jeux Olympiques antiques: Pugilat-Orthépale-Pancrace”, Budo, 2010.
  • Norman Gardiner, “The Journal of Hellenic Studies, vol. 25 (1905)”, The society for the promotion of hellenic studies, 1905.

Sources Antiques

  • Homère, “Iliade”, Traduction d’Eugène Bareste, Lavigne, 1843.

Notes & Références[+]